Avant 1990
En Hongrie, les réformes du système scolaire ont commencé dans les années 1980 et se sont poursuivies après la transition du socialisme à la démocratie (1989/1990). En 1985, la nouvelle loi sur l'éducation publique a élargi l'indépendance institutionnelle et l'autonomie des établissements scolaires et des enseignants. De plus en plus d’établissements ont pu s’écarter des règles strictes et expérimenter de nouveaux projets pédagogiques, tout en s’éloignant des programmes scolaires conçus par le ministère de l’éducation. La législation a progressivement assoupli le contrôle central exercé sur la nomination des chefs d’établissements en permettant au personnel des établissements de voter pour leur candidat. D’autres types d’établissements privés et confessionnels ont également été créés dans une logique de dépolitisation des questions éducatives.
Après 1990
En 1991, le gouvernement démocratique a fait disparaître le monopole de l'État sur le système éducatif, en confiant la responsabilité des établissements scolaires aux autorités locales. Bien que le système éducatif hongrois demeure financé par un budget central, la décentralisation de l'administration et de la supervision a permis aux institutions locales - municipalités, églises ou fondations - de faire valoir leurs propres intérêts. La nouvelle législation promulguée en 1993 a ensuite légalisé le changement de structure des écoles, offrant de nombreux choix aux élèves et leurs parents. Elle a également instauré le pluralisme idéologique en renforçant l'autonomie accordée avec la réforme de 1985, notamment en adaptant davantage les programmes scolaires nationaux au contexte local. En disposant de plus d’autonomie, les établissements scolaires ont été soumis à la décision des autorités locales et au choix des parents d’élèves, ce qui a conduit à une régulation multi-niveaux du système éducatif hongrois.
Parallèlement, le libre choix de l’école a renforcé la concurrence entre établissements alors que des principes de leadership étaient adoptées et que l’offre pédagogique des établissements se différenciait. Les chefs d’établissement ont donc gagné en pouvoir de décision dans le recrutement des enseignants et dans leurs rémunérations, mais ils demeuraient quand même soumis à des contraintes budgétaires.
À partir des années 2010
Après 2010, un gouvernement conservateur a mis en œuvre une réforme radicale du système éducatif en renforçant la centralisation et le contrôle par l’État, tout en suscitant de vifs débats politiques. Les établissements publics, gérés par les municipalités, ont été nationalisés tandis que les établissements privés étaient épargnés. L’État a aussi repris en main une partie de la gestion financière tout en changeant les modalités de sélection des chefs d’établissement et la délégation de responsabilités. La loi de 2011 stipulait que le chef d’établissement devait être recruté après un appel d’offre public et qu’il ou elle devait remplir certaines conditions d’exercice : avoir un diplôme de l’enseignement, une qualification pour la direction scolaire suite à un programme de formation, une expérience d’enseignement d’au moins 4 ans. Pour son audition, le candidat ou la candidate était invité(e) à présenter un projet de direction et une vision claire du devenir de l’établissement, selon des objectifs stratégiques et des critères d’efficacité, ainsi que les modalités du travail en commun et de la coopération avec les enseignants. Ensuite, le chef d’établissement était nommé pour 5 ans, par le ministre pour les établissements publics.
Le programme de formation des chefs d’établissement hongrois s’est sensiblement modernisé pour tenir compte des évolutions internationales du management de l’éducation alors qu’était créé un organisme national (l’HUNSEN) pour assurer un fondement scientifique et académique à la formation, en coopération avec plusieurs universités. Ce consortium visait à développer un système éducatif équitable et de qualité capable d’affronter les défis d’une société de la connaissance. Cet engagement communautaire s’est appuyé aussi sur des valeurs humanistes tout en se voulant une organisation apprenante fonctionnant en réseau et tournée vers un culture du changement, de l’innovation et de la recherche, focalisée sur la résolution de problèmes et l’adoption de démarches qualité, travaillant à l’articulation entre théorie et pratique.
Un programme de formation spécialisée de niveau master a été proposé aux enseignants aspirant à la fonction de chef avec une spécialisation sur le leadership scolaire et une autre sur le mentorat.
Outre le programme de base - formation au leadership pour les chefs d'établissement en exercice et en devenir, les adjoints et les responsables intermédiaires - il existait également des spécialisations qui préparaient les enseignants à des tâches et des rôles particuliers pouvant être considérés comme des rôles de leadership : mentors (spécialistes des ressources humaines), conseillers en assurance qualité, administrateurs éducatifs régionaux, superviseurs ou spécialistes du développement scolaire. L’HUNSEM est devenu le deuxième institut de leadership en Hongrie. Il dispense des formations depuis 1997, de sorte que le premier groupe a terminé ses études en 1999. Bien que d'autres institutions proposent actuellement des programmes de formation à la direction scolaire en Hongrie, l’HUNSEM reste l'un des plus grands instituts de formation en ce domaine.
Responsabilités et tâches de la direction scolaire
La prise de décision dans les établissements scolaires hongrois repose fortement sur les équipes de direction et les enseignants. Si les chefs d’établissement sont responsables du fonctionnement administratif et juridique, les enseignants décident de nombreuses questions scolaires. Les chefs, quant à eux, sont responsables du travail pédagogique, de la gestion du personnel, de la préparation des documents nécessaires à la prise de décision, tout en assurant le contrôle et la mise en œuvre.
Tous les six mois le chef d’établissement doit rendre compte aux parents du fonctionnement de l’établissement. Toutefois, il ne gère pas de budget, ne peut pas conclure d’accord à titre individuel, et n’a pas d’autorité sur les questions financières. De même, il ne peut faire que des suggestions sur le plan prévisionnel de gestion des ressources humaines. Les collectivités locales sont les employeurs des enseignants et gèrent leur nomination, licenciement, et leur rémunération. Les chefs d’établissement ont besoin de leur autorisation pour gérer les remplacements entre enseignants.
En 2015 a été mis en place un système d’inspection à l’échelle nationale, avec une auto-évaluation obligatoire pour tous les établissements.
Des normes nationales ont été fixées par le ministère de l’éducation. Trois niveaux sont évalués : l’établissement, le chef d’établissement, et l’enseignant. Après avoir relevé les points forts et les faiblesses, chaque niveau doit proposer un plan d’amélioration des résultats. L'évaluation externe des chefs d'établissement concerne les aspects généraux de la pédagogie et de la direction scolaire. Les inspecteurs évaluent la réalisation des objectifs fixés par le chef en matière de développement pédagogique et de leadership. L'objectif de l'évaluation est de fournir un retour d'information réaliste sur le travail des chefs d’établissement. Les évaluateurs se basent sur les documents de l’établissement, des entretiens et des visites. Ils formulent des recommandations écrites dans lesquelles ils indiquent les domaines qui sont extraordinaires et ceux qui ont besoin d'être améliorés.
Le développement d’un modèle d’organisation apprenante centrée sur le leadership
L’UNSEM n'est pas seulement un établissement de formation, il mène et s'engage régulièrement dans différents projets de recherche et de développement axés sur la direction scolaire. Il aide notamment les établissements à devenir des organisations apprenantes. Le modèle d’apprentissage organisationnel de HUNSEM a été intégré à un programme de leadership éducatif en tant qu'outil de diagnostic et de développement. Le modèle met l’accent sur l'enseignement et l'apprentissage qui sont renforcés par le développement professionnel continu du personnel. Il met en valeur la coopération, la responsabilité et la confiance, la dimension humaine dans la culture organisationnelle et les pratiques de leadership. Toutefois, il existe des différences significatives entre établissements scolaires dans le système éducatif hongrois. De fait, le contexte législatif crée des obstacles à l’accomplissement des rôles de leadership alors que des efforts de développement professionnel par les chefs d’établissement permettraient, selon les résultats des chercheurs, d’améliorer l’apprentissage organisationnel, comme le montre certaines expérimentations prometteuses. Mais des facteurs contextuels (comme la diminution du nombre d’enseignants, la pression de l’obligation de rendre compte) empêchent les chefs d’établissement de se centrer davantage sur les facteurs humains dans leur direction scolaire.
Source : Baráth, T., Horváth, L., Nóbik, A., & Verderber, É. (2019). Educational leadership in Hungary. Leadership in Education: Initiatives and trends in selected European countries, 113-134